Boli Bana
Loin d’être réductible à un certain nombre de noms-phare et de longs-métrages de fiction, le cinéma belge est un lieu de création « dispersé, dissipé, qui ne doute de rien mais ose tout » selon les mots du critique et historien du cinéma Patrick Leboutte. Cette singularité trouve notamment ses origines dans ce que le producteur Jean-Claude Batz a un jour rêvé et mis en place : « de petites communautés naturelles et autonomes mues par un projet commun, rassemblées par des affinités électives, organisées en structure légères, appuyées sur des infrastructures de production et de diffusion soutenues par l’aide publique, des communautés artisanales ouvertes et accueillantes au monde extérieur, dont la taille, petite, assurerait la vitalité, le dynamisme, la souplesse ». En un mot, les ateliers.
Conçu au départ dans un esprit libertaire et associatif post-1968 refusant la dynamique lucrative du cinéma commercial, ce dispositif d’ateliers est vite devenu un terrain indispensable de création, spécifique à la production en Fédération Wallonie-Bruxelles, voire même unique du point de vue européen. Garants d’une diversité filmique essentielle, les 13 ateliers soutenus aujourd’hui par le Centre du Cinéma continuent à s’inscrire dans une tradition qui fait d’eux des espaces de liberté, d’expérimentation et d’innovation cinématographiques.
Leur mission commune - aider le développement, la production et la diffusion des film d’auteurs en Belgique francophone– s’organise selon trois types d’accompagnement : les ateliers créés directement au sein des écoles de cinéma (INSAS, IAD, La Cambre ou A.P.A.C.H), ceux d’accueil (CBA et WIP), chargés de coproduire des projets de films documentaires, et les ateliers de production (AJC !, Camera-etc, CVB, Dérives, Graphoui, Gsara et Zorobabel), ouverts autant aux projets de films du réel, d’animation, expérimentaux que de fiction, chacun affichant une identité propre et forte.
Plus de 40 ans après leur lancement, il est temps de mesurer l’importance des ateliers dans le paysage audiovisuel belge en revisitant leurs histoires de production, et de (re)découvrir les pépites dont ils ont permis la création. Des films inscrits dans leurs temps, souvent politiques, marqués par des thématiques sociales fortes et une joyeuse audace cinématographique. S’il est une ligne de force commune aux ateliers, c’est sûrement cette faculté à être des lieux d’accueil et d’accompagnement pour des auteurs attentifs aux évolutions du monde, sans limitation de formes et d’approches, qui justement font la richesse du cinéma.
Le projet 40 ans de cinéma en atelier est une initiative de l’association des ateliers d’accueil, d’école et de production de la FWB – aaapa. Il comprend deux volets : une publication en ligne et une programmation à la Cinematek.
Programmation : Pauline David et Muriel Andrin, assistées de Laure Bioules, Cannelle Grosse, Ferdinand Bouillard, Kévin Giraud-Yancy (comité de sélection).
La séance d’ouverture du cycle « 40 ans de cinéma en atelier » propose un panorama de la diversité et de la complémentarité du travail des différents types d’ateliers. Dans Les dauphines (Media Diffusion, IAD), une mère projette son besoin de réussite sur sa fille. Coproduit par Zorobabel et Camera-etc, Le marcheur raconte l’histoire d’un homme saturé par son travail abject, qui rejoint un campement d’indignés. Sélectionné aux récents festivals de Rotterdam et du Réel (Paris), Boli Bana, premier documentaire du jeune réalisateur sorti de l’INSAS Simon Gillard, une production soutenue par le WIP et le CBA, dessine l’histoire d’un monde nomade, mystique et quotidien, au Burkina Faso.