Quand j’ai eu quatre ans et demi, ma mère a disparu. Notre famille nous a dit à ma sœur et à moi qu’elle était partie travailler à Paris. Un an et demi plus tard, notre grand-mère nous avouait qu’elle était morte d’une opération de l’appendicite. Par la suite durant notre enfance et notre jeunesse, notre père ne nous parla pas de notre mère, sauf pour nous répéter qu’elle avait été une peintre et une femme extraordinaire. Il avait enfermé ses tableaux dans un placard et rangé les photos dans un tiroir qu’il nous était interdit d’ouvrir.
Si j’ai parfois désobéi, je n’ai jamais vraiment manifesté une grande curiosité pour celle qui avait été ma mère et dont je ne reconnaissais même pas le visage sur les photos. Il y a sept ans, quand notre père se décida enfin à nous parler de notre mère, ce fut pour nous révéler les circonstances réelles de son décès.
Ce secret que mon père avait porté seul pendant vingt- cinq ans l’avait empêché de nous raconter la vie et l’œuvre de notre mère. En rompant ce tabou, il nous rendait notre mère. Mais ces mensonges successifs avaient effacé de ma mémoire jusqu’au souvenir de sa disparition. J’ai éprouvé alors la nécessité de reconstruire cette histoire et de retrouver celle qui m’avait été doublement arrachée par la mort et par le secret. Elle était peintre, je suis cinéaste. Faute de souvenirs, ce sont ses tableaux qui peuvent avec le cinéma me conduire jusqu’à elle. Mariana Otero.