Venu au Texas pour y réaliser un documentaire sur un psychiatre dont les expertises avaient quasi toujours amené les jurys à condamner à mort les inculpés, Errol Morris y rencontre Randall Adams. Condamné dans le couloir de la mort, emprisonné depuis neuf ans pour le meurtre d’un policier, celui-ci clame son innocence depuis le début. Déterminant pour l’orientation de l’enquête, le principal témoin à charge est un adolescent de seize ans David Harris, principal lien direct accusant Adams. Quand Errol Morris rencontre le condamné à mort et s’intéresse à l’affaire, il acquière vite la certitude de son innocence. Débute alors un nouveau projet de film. En tout, deux cents heures d’interviews, des mois d’enquête sur une affaire dont il a décortiqué tous les éléments, reconstitué les manques, rencontré les protagonistes (le condamné à mort, ses avocats, les détectives qui ont mené l’enquête, les membres du jury et surtout le jeune Harris), pour aboutir à un résultat médiatique, un film, et judiciaire, la libération d’un innocent. C’est en effet grâce au film et à l’obstination d’Errol Morris, que l’affaire fut ré-instruite, et qu’Adams fut innocenté à l’issue d’un nouveau procès. Des extraits du film - dont l’aveu du jeune Harris - furent même utilisés durant celui-ci.
"Matière première du film, les témoignages des différents acteurs de l’affaire sont filmés avec une efficacité sobre : plans fixes et cadre point trop serré sur le visage - les personnages doivent avoir de la place pour s’ex- primer ! -. Théâtre de la parole, de la vérité des pièces officielles qui s’ef- frite devant d’autres aveux lorsque les trois témoins à charge avouent avoir menti lors du procès. (...)
Le travail du film, à la faveur de reconstitutions minutieuses et impla- cables qui s’enrichissent de chaque élément mis à jour, a eu pour effet de sensibiliser l’opinion publique. Des pétitions circulent et après plusieurs mois - et après douze ans et demi pour le principal intéressé - Adams est libéré. The Thin Blue Line est la vérité du Dossier Adams et il met à l’index une justice menée avec désinvolture et négligence.
Le film de Morris est avec Adams le personnage de premier plan d’un même récit. Indissociables, le film n’est pas fait sur un cas particulier, mais il est le cas, le constitue, l’habite de l’intérieur. Jean Perret, août 1990.