Programmation au cinéma Nova, réalisée en collaboration la Coordination Semira Adamu 2018.
Tous les films et événements ici : http://nova-cinema.org/prog/2018/16...
Cette programmation s’inscrit dans le mois d’actions (débats, rassemblements, théâtre, lectures, concerts...) organisé par des collectifs, associations et militant.e.s. Plus d’infos : ICI
Que verrez vous, et pourquoi ?
Le 22 septembre 1998, lors d’une sixième tentative d’expulsion, Semira Adamu est étouffée à l’aide de "la technique du coussin" par des gendarmes qui agissent conformément aux techniques d’expulsion définies par l’Etat belge. Demandeuse d’asile déboutée, Semira avait 20 ans et venait du Nigeria. Détenue au centre fermé 127bis, elle y jouait le rôle de lanceuse d’alertes pour le Collectif contre les expulsions, témoignait du fonctionnement de ces prisons pour étranger.e.s, informait des dates d’expulsions de ses codétenu.e.s. Semira incarnait, à sa manière, la lutte des femmes pour leur dignité et la résistance aux politiques d’asile et de migration inhumaines.
Sa mort avait provoqué une indignation générale. "Plus jamais ça !" Promesse non tenue. Vingt ans plus tard, une balle tirée par des policiers sur les ordres des autorités, tue Mawda Shawri, fillette turco-irakienne âgée de 2 ans. L’Union européenne érige ses murs toujours plus haut, arme ses frontières, pervertit l’hospitalité en hostilité. Les mots "camps", "centres fermés", "chasse à l’homme", "rafles", "enfermement de familles" refont surface, à moins qu’ils n’aient jamais eu l’occasion de tout à fait disparaître ?
Trente-quatre mille trois cent soixante et une morts "comptabilisés" dans la forteresse Europe. Au-delà de l’abstraction des grands nombres (incomplets par ailleurs), au-delà des victimes médiatisées, il y a toutes celles que nous sommes incapables de nommer, de la mer, du désert, de la montagne, des expulsions, des coups, des humiliations, des "balles perdues". Et pour celles et ceux qui réussissent la traversée, il reste l’absence de protection humanitaire, sociale, médicale, politique qui tue, blesse, humilie, réduit en charpie. A l’avant-garde de cette évolution sinistre, la Belgique remet en cause les régles du droit d’asile, sépare les familles, nie la situation spécifique des femmes, ne respecte pas les droits des enfants, collabore avec des états dictatoriaux...
Pour ceux qui cherchent asile ici ou ailleurs, "Only the sky is the limit !". Entre sourire et détresse, cette phrase est un adage affirmé par ces jeunes exilé.es mu.e.s par le besoin d’aboutir là où on leur refuse vainement, systématiquement, le passage, un acte de résilience et d’espoir, une invocation. Au cœur de leurs quêtes et de leurs parcours de vie souvent terrifiants, subsistent les pulsions de vie, les éclats de rage, de courage, de solidarité. Pour à la fois prendre à revers les politiques migratoires européennes, donner visage, corps, subjectivité aux premier.e.s concerné.e.s et questionner notre regard sur "l’exilé.e" et sur notre "hospitalité", cette programmation veut rendre compte de cette vie brûlante et vaillante. De la solidarité joyeuse lorsqu’une bande d’amis monte un stratagème épique pour traverser les frontières. De la camaraderie dans les camps du désert du Néguev, aux abords des ports de Calais ou de Melilla, jusqu’au centre de Bruxelles... De l’espoir de pouvoir vivre ensemble ici dans des villages vidés par l’exode rural. Des rencontres musicales, cinématographiques ou tout simplement, amicales.
Pierre angulaire de ce programme, la soirée du 23 septembre, pour rappeler l’urgence du combat, raconter la souffrance des personnes enfermées car elles veulent vivre libre, mais aussi l’énergie de la lutte collective. Avec les films de Pauline Fonsny (A l’usage des vivants), de Nathalie Nambot et Maki Berchache (Brûle la mer) et le choeur d’Ali Aarrass.
Mais aussi, dans les jours suivants : "L’Héroïque lande" de Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval et "Between Fences" d’Avi Mograbi, des cinéastes tenaces, témoins et résistants. Qui croisent, avec "Hamlet in Palestine" et "Arna’s Children", la question palestinienne autour du destin tragique de Juliano Mer-Khamis (comédien, metteur en scène et réalisateur israélien) où se dévoile, violemment, l’enjeu du territoire. Celui qu’on occupe, qu’on interdit, qu’on doit traverser, rejoindre, habiter, tenir en soi.