Au Cambodge, sous les khmers rouges, S21 était le principal « bureau de la sécurité ». Dans ce centre de détention situé au cœur de Phnom Penh, près de 17.000 prisonniers ont été torturés, interrogés puis exécutés entre 1975 et 1979. Trois d’entre eux seulement sont encore en vie.
Pendant près de trois ans, Rithy Panh et son équipe ont entrepris une ongue enquête auprès des rares rescapés, mais aussi auprès de leurs anciens bourreaux. Ils ont convaincu les uns et les autres de revenir sur le lieu même de l’ancien S21, actuellement reconverti en musée du génocide, pour confronter leurs témoignages.
Les mots ne suffisent pas pour décrire ce qui s’est passé là. L’implacable minutie de la machinerie du meurtre planifié échappe à l’entendement. Comme si la conscience refusait d’appréhender, et donc de mettre des mots d’aujourd’hui sur l’indicible. Mais il reste les preuves - les photos, les archives, les lieux - qui font ressurgir les mots d’autrefois. Il y a aussi la mémoire enfouie profondément dans les corps, celle des gestes et des routines... qui peuvent surgir de l’inconscient comme dans un cauchemar.
La singularité du film réside dans la confrontation de la volonté des rescapés qui veulent comprendre pour transmettre et protéger les générations futures, et la parole des geôliers qui sont comme hébétés de revivre l’horreur à laquelle ils ont contribué. Les choses doivent être dites pour rendre aux victimes leur destin et leur mémoire. Elles doivent l’être aussi pour que la réflexion sur le passé aide à la construction du présent.